Le paradoxe suisse : taxer sans représenter
Pourtant, il existe aujourd'hui en Suisse un angle mort démocratique que deux arrêts récents du Tribunal cantonal viennent de confirmer de manière éclatante. Un espace où des dizaines de milliers de contribuables financent des communes, des infrastructures, des services publics... sans disposer du moindre droit politique local, ni même du droit de se défendre collectivement.
Ce ne sont pas des résidents étrangers. Ce ne sont pas des entreprises multinationales. Ce sont des citoyens suisses, propriétaires de résidences secondaires, qui paient des taxes communales, contribuent à l'économie locale, entretiennent un patrimoine immobilier... mais ne peuvent ni voter, ni signer une pétition communale, ni participer au débat public dans les communes où ils investissent leur argent et leur attachement.
Deux arrêts, un même constat : le système est verrouillé
· Arrêt FI.2024.0145 (Busset/Duc/GDIPRS) : Le recours collectif est impossible
· Arrêt FI.2024.0119 (Koenig) : L'injustice est reconnue, mais la taxe est maintenue
Ces deux décisions combinées créent un double verrouillage :
1. Pas de droits politiques locaux (pas de vote, pas de pétition, pas d'initiative)
2. Pas de droit de recours collectif pour les associations qui défendent leurs intérêts
3. Coût prohibitif de la justice individuelle, même en cas de succès partiel
Cette absence structurelle de contre-pouvoir démocratique crée une tentation dangereuse : celle de taxer sans consulter, d'augmenter les prélèvements sans avoir à en répondre électoralement, et sans que les contribuables puissent s'organiser collectivement pour se défendre.
Premier arrêt : l'impossibilité du recours collectif (FI.2024.0145)
Le 29 octobre 2025, la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal vaudois a rendu son arrêt dans l'affaire FI.2024.0145 opposant deux propriétaires (Véronique Busset et Brigitte Duc) ainsi que le GDIPRS (Groupement de Défense des Intérêts des Propriétaires de Résidences Secondaires) à la Commune de Blonay-Saint-Légier et à la CITS.
Le verdict en trois points
1. Le recours du GDIPRS : IRRECEVABLE
Le Tribunal a déclaré le recours du GDIPRS irrecevable au motif que l'association ne défend pas directement les intérêts de la majorité de ses membres dans ce cas précis. Traduction : Une association de défense des propriétaires de résidences secondaires ne peut pas agir collectivement en justice pour ses membres. Chaque propriétaire doit recourir individuellement.
2. Les deux recourantes : victoire partielle
Le Tribunal a partiellement admis le recours des deux propriétaires : leur taxe de 1'600 CHF est réduite à 1'200 CHF. Motif : les trois chambres de leur chalet ne sont pas chauffées et ne respectent pas les normes de salubrité.
3. Les frais et indemnités
Les deux recourantes doivent payer 800 CHF de frais + 1'000 CHF d'indemnité à la Commune + 1'000 CHF d'indemnité à la CITS = 2'800 CHF de frais pour économiser 400 CHF.
Bilan : Victoire à la Pyrrhus. Pour un propriétaire lambda, le message est clair : même si vous avez raison, il vaut mieux payer que recourir.
Deuxième arrêt : l'injustice reconnue mais confirmée (FI.2024.0119)
Le cas de Christoph Koenig, propriétaire d'une fermette à Blonay-Saint-Légier, illustre l'absurdité du système. En 2023, sa taxe annuelle est passée de 222 francs à 1'600 francs — soit une augmentation de +721%.
Son bien : une fermette d'alpage avec quatre pièces inscrites au RegBL, dont trois espaces à l'étage sans chauffage, sans eau courante, inutilisables la plupart du temps. Peu en commun avec un appartement de standing au bord du lac.
Ce que dit le Tribunal
Dans son arrêt du 29 octobre 2025, le Tribunal cantonal vaudois reconnaît que Monsieur Koenig a été « très largement défavorisé » par le changement de réglementation.
Pourtant, la décision confirme la taxe.
« Le tribunal admet la dureté de la situation, tout en considérant la mesure
conforme au droit. » — Me Luca Urben, avocat de Monsieur Koenig
Message clé : La justice reconnaît l'injustice… mais confirme la taxe.
L'absurdité logique du système
- • Pas de recours collectif → pas de protection
- • Pas de recours individuel efficace → injustice maintenue
Le contexte : dix communes imposent une hausse fiscale brutale
Le système : 400 francs par pièce inscrite au Registre fédéral des bâtiments et des logements (RegBL), avec un plafond de 2'800 francs par an. Pour de nombreux propriétaires, cela représente une multiplication par 10 de la charge fiscale précédente.
La question démocratique : le résident secondaire taxé sans être représenté
- ni voter dans la commune où il paie la taxe
- ni signer une pétition communale
- ni participer à une initiative locale
- ni interpeller le conseil communal
Les conséquences économiques : le point aveugle
- Génère de l'emploi local (artisans, PME, indépendants)
- Soutient le commerce de proximité (restaurants, commerces de village)
- Finance les infrastructures touristiques (abonnements, piscines, chemins)
- Consomme sans peser sur les services (pas d'écoles, crèches, services sociaux)
La réponse du GDIPRS : agir sur trois fronts
1. Action politique
Révision du règlement intercommunal pour introduire plus de nuance et de proportionnalité dans le calcul de la taxe.
2. Action institutionnelle
Interpellation auprès du Canton de Vaud pour demander une révision du cadre légal permettant ces situations.
3. Action médiatique
Mise en lumière publique de la situation pour informer les citoyens et créer un débat démocratique.
Ce que le GDIPRS demande (et ce que qu'il ne demandons pas)
- ❌ Une exemption de taxe
- ❌ Un privilège fiscal
- ❌ Un traitement de faveur
- ✅ Une fiscalité proportionnée aux coûts réels
- ✅ La transparence sur les calculs et l'utilisation des fonds
- ✅ Un espace de dialogue institutionnel
- ✅ Le respect des droits fondamentaux
Conclusion : deux arrêts qui confirment l'urgence d'une réforme
- Pas de droits politiques locaux pour les propriétaires de résidences secondaires
- Pas de droit de recours collectif pour leurs associations
- Coût prohibitif de la justice individuelle
La question qui reste posée
Les arrêts du 29 octobre 2025 répondent "oui" en droit. Mais en démocratie ?
Appel à témoignages et à l'action
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Les arrêts du Tribunal cantonal du 29 octobre ont confirmé que « cette question relève éventuellement du législateur ». Le Grand Conseil a désormais l'occasion d'intervenir.
Sources et références
- Arrêt FI.2024.0145 de la CDAP du Tribunal cantonal vaudois, 29 octobre 2025 (Busset/Duc/GDIPRS)
- Arrêt FI.2024.0119 de la CDAP du Tribunal cantonal vaudois, 29 octobre 2025 (Koenig)
- Constitution fédérale suisse (Cst.) — art. 5, 8, 23, 127
- Loi vaudoise sur les impôts communaux (LICom) — art. 3bis
- Règlement intercommunal RITS, entré en vigueur le 1er janvier 2023
- Jurisprudence citée
- ATF 145 V 128 (qualité pour recourir des associations)
- ATF 143 II 283 (taxes de séjour et résidences secondaires)
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